Mary-Frances : Bonjour Sœur Germaine ! Cela fait combien de temps que tu es à la Maison Magdalena ?
Sœur Germaine : Je suis arrivée ici le 6 décembre 2018, cela fait la cinquième année.
M.F. : Était-ce la première fois que tu quittais ton pays ?
S.G : Non ce n’était pas la première fois, mais c’était la première fois que je venais en Europe et ici en France.
M.F. : Est-ce que tu pourrais témoigner de ces 5 années vécues dans la Maison Magdalena ?
S.G : J’ai vécu beaucoup de choses ici dans la Maison Magdalena et j’ai appris beaucoup de choses.
Ici on dit souvent « chacun donne, chacun reçoit » …aussi j’ai essayé de me donner à fond.
Même si on ne peut pas dire que la Maison Magdalena est un « paradis » car les gens qui y habitent sont des gens comme tout le monde et qu’il y a naturellement des hauts et des bas, on peut vraiment dire que la vie est là. J’ai ainsi appris à vivre dans cette famille que constitue « La Maison Magdalena ».
Mon premier apostolat a été en effet la Maison Magdalena. La première chose concrète que j’ai dû apprendre, était d’oublier mes soucis et mes difficultés et de regarder plutôt ceux des autres. En arrivant, je ne savais pas où commencer, je me demandais comment j‘allais faire. J’avais un peu peur. Mais j’ai dit au Seigneur « Tu m’as appelée, j’ai tout quitté pour Toi, donne-moi seulement le courage… ». Alors quand j’avais des soucis, j’entrais dans la Maison et j’avais la paix du cœur…
J’ai aussi appris à partager et à aimer, j’ai appris à aider, j’ai appris à travailler beaucoup. Il y a de nombreuses choses que j’ai apprises à faire ici que je n’avais jamais fait dans ma famille. Je ne savais pas qu’un jour moi aussi je pourrais faire toutes ces choses.
Pour bien aborder la journée, je me dis que ce n’est pas moi qui le fait mais que c’est le Seigneur qui fait, alors tu verras que les choses vont marcher…
M.F. : On t’a surnommée « Sœur Sourire ». On a l’impression que tu arrives à sourire, même avec des soucis…comment fais-tu pour trouver ce sourire qui accueille chaque personne et qui nous touche tous ? On sent que tu le puises quelque part …dis-nous quel est ton secret ?
S.G : (Sr Germaine rit…) Même si je suis vraiment fatiguée ou que j’ai des soucis qui me touchent, alors je me dis qu’ici, il y a des gens avec vraiment beaucoup de problèmes très graves…
Je me dis que c’est le Seigneur qui me donne ce sourire. J’ai quelque chose en moi qui me dit que c’est une forme d’hommage à Dieu : aller vers la personne, la rencontrer et lui donner un sourire, lui demander si elle a besoin de quelque chose, partager avec cette personne. C’est devenu pour moi spontané. C’est un don de Dieu, car je réalise que ce n’est pas donné à tout le monde.
Je suis née dans une grande famille et ma maman, quand elle était toujours en vie, me disait : « ma fille, quand tu es dehors avec tes sœurs et que, de l’intérieur de la maison, je t’entends rire, alors ça me fait rire moi aussi » …….
Au Nigeria, quand j’ai quitté la Noviciat pour venir en France, une sœur qui était avec moi m’a dit « Ah Germaine, tu nous manques, on sent vraiment que tu n’es plus là ! ». Alors quand j’ai demandé pourquoi, elle m’a dit : « La façon dont tu mets les gens à l’aise et que tu nous fais rire. Avec toi nous étions dans la joie. Tu nous manques vraiment ».
M.F. : Ça va être comme ça aussi pour nous à la Maison Magdalena… Ce rayon de soleil va nous manquer !
S.G. : J’ai bien vu une fois à la Maison Magdalena que quand j’étais triste, tout le monde à la maison semblait triste. Laurence m’a dit une fois « mais sœur Germaine, on n’arrive pas à supporter de te voir triste…on te connait et si on voit que tu es triste, toute la maison est triste... » …. Je sens bien que je fais souffrir les autres quand je suis dans cet état … les gens souffrent …
M.F. : Une des facettes du parcours des accueillies est de découvrir la France : Voyager, visiter les musées. Le but est de les aider à s’adapter à la France et qu’elles s’y sentent bien et connaissent la culture. Est-ce qu’il y a un endroit que tu as visité avec les femmes ou quelque chose que tu as vécu avec les femmes qui t’a particulièrement touchée ?
S.G. : Oui, les sorties que nous avons faites avec les femmes sont pleines de beaux souvenirs. Ce sont des moments très forts, je pense par exemple au weekend au bord de la mer chez la maman d’Alexis.
J’ai aussi vécu des temps très forts au travers du travail que nous faisons ensemble avec les filles : le travail dans notre ciergerie ou dans le potager. En fait, c’est là où elles arrivent vraiment à raconter leurs histoires, à parler de la vie qu’elles menaient avant, comment elles sont arrivées à la Maison Magdalena ….
Pour moi ces temps à l’atelier sont aussi des moments propices pour leur faire des remarques. Par exemple, s’il y a quelque chose qu’elles ne voient pas, ou si elles ont commis des actes qui n’étaient pas bons, je peux ainsi les faire bénéficier de mes expériences en France ou leur dire les choses que les français aiment ou n’aiment pas.
M.F. : Quand nous venons à la Maison Magdalena, on sent souvent que le Saint Esprit est en train d’œuvrer. Est-ce que tu as des exemples où tu as senti que l’Esprit Saint était à œuvre ?
S.G : Oui, en fait je n’en ai jamais parlé à personne...
L’année dernière lors de la semaine sainte, à l’occasion d’une visite d’amis de « La Présence » (des Villages Saint Joseph), nous sommes partis à la chapelle pour la vénération de la croix. Nous étions en train d’adorer et de chanter et allions une par une, devant la croix de Jésus nous prosterner. Lorsque je me suis avancée et que je priais, j’ai senti comme si quelqu’un était dernière moi, puis un souffle assez fort. Quand j’ai regardé derrière et me suis demandée qui avait fait ça, j’ai bien regardé, mais il n’y avait personne… En mon corps, j’avais la chair de poule.
Lorsque je demande pardon au Seigneur et que je dis « Oh Seigneur, pardonne-nous nos péchés »…. je ressens clairement que nous sommes en train d’être consolés par Jésus. Ce temps dans la chapelle était particulièrement fort, c’était une vraie joie d’être réunis avec les amis des deux maisons de « Magdalena » et de « La Présence ». J’ai dit « MERCI SEIGNEUR ». Le Seigneur est vraiment là….
M.F. : Parle-nous des petits temps de louanges à la Maison Magdalena, quand nous venons chanter avec vous ?
S.G : Pour moi, quand je loue comme ça, mon corps reste en louange même quand la louange est finie ! Mon cœur continue à louer. Je me sens portée par quelque chose que je n’ai jamais compris vraiment. C’est sans doute l’Esprit Saint …Il vient et on ne s’en rend pas forcément compte.
M.F. : Une nouvelle équipe s’installe avec le départ en retraite de Béatrice et l’arrivée de Loraline et d’une nouvelle sœur, qu’elle serait ton conseil à cette équipe ?
S.G : Le conseil que je vais leur donner est de faire preuve de courage et de persévérance…car je sais que les débuts sont toujours un peu difficiles pour celles qui viennent d’arriver, même pour les responsables de la Maison, Alexis et Laurence.
Mais avec la grâce de Dieu, si tu acceptes de bon cœur d’aider et de donner de ton mieux, alors tu verras après que ce n’est pas difficile.
Si on me dit « Sœur Germaine est très forte, elle ne se fatigue pas », alors je dirai : « Oui, c’est ça le Seigneur : Quand tu fais quelque chose avec le cœur, tu ne peux pas sentir la fatigue ».
Je considère la Maison Magdalena comme ma famille propre. Le conseil que je donne aussi aux femmes accueillies, c’est que le travail ici est pour tout le monde. Comme nous avons accepté de le faire, il faut le faire avec le cœur….
M.F. : Le prochain endroit où tu iras seras béni de ta présence, tu vas vraiment nous manquer. Comme tu le sais « La maison Magdalena » c’est une maison pour toute la vie, on peut toujours y revenir…alors on espère évidement t’accueillir à nouveau.
S.G. : Je n’oublierai jamais la Maison Magdalena, de prier pour elle et pour toute l’équipe qui prend soin de la maison. Que le Seigneur vous aide, qu’il vous accompagne. Je sais que je serai loin avec mon corps, mais dans mon cœur on sera toujours ensemble. Peut-être un jour la chance peut sourire et que je reviendrai ici à la Maison Magdalena. C’est la Maison qui m’a fait du bien, où je me suis retrouvée et où j’ai connu Dieu au plus profond de mon cœur. C’est la Maison de Dieu.
La Maison Magdalena est un lieu d'accueil et d"hébergement permanent pour les personnes en situation de prostitution qui souhaitent en sortir. L’Association Magdalena, d’inspiration chrétienne, gère et organise ce centre situé près de Paris.